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CULTURE & CIE

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CULTURE CIE & VOUS

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3 décembre 2006 7 03 /12 /décembre /2006 23:00




 Prix Interallié 2006...

Ralph Greenson est un éminent psychanalyste lorsqu’il reçoit la célèbre actrice dans son cabinet en janvier 1960. A ce premier rendez-vous, elle fut en retard, comme à son habitude, mais le docteur fut surpris, presque déstabilisé. C’est une attraction réciproque et délibérée dont ils furent les victimes, l’un et l’autre. L’intellectuel, aussi maître de lui soit-il, se laisse séduire par la fragilité de la star et par les lumières du cinéma.

Elle est malade, il la guérira. Il réussira là où les autres ont échoué. Il donnera Monroe à Marilyn. Mais il dérogera aux principes fondamentaux qui régissent les rapports entre un psychanalyste et son patient, puisqu’elle s’immiscera dans sa famille jusqu’à en faire partie intégrante.

Elle, elle attendra et demandera tout de lui pour enfin savoir être et parler. Ses angoisses, ses traumatismes, elle lui en fera l’empoisonné cadeau, en vrac, avec un charme inouï, avec ses larmes de femme, ses drogues d’adolescente, sa voix d’enfant. Elle n’était pas la ravissante idiote qu’il lui était si facile de jouer pour se dissimuler, s’assimiler. Elle va mourir. Elle le tuera à petit feu. Mais Greenson sera ému par son âme, il en sera de même de l’auteur de ces « dernières séances » et… de nous aussi.

Dans les années soixante déjà, à Hollywood, tout acteur digne de ce nom, tout producteur distingué ou réalisateur en vogue avait son psy. Marilyn n’était pas un cas dans ce domaine mais elle, sans doute plus que d’autres, était passionnée par la psychologie. Par « les dernières séances », on apprend à connaître une autre Marilyn. Celle qui savait parler et raisonner, penser et se confier, pas seulement à son docteur des mots, comme elle aimait à l’appeler, mais aussi à ses amis : Truman Capote, André de Dienes, Lee Strasberg, James Dean… C’est cette Marilyn que l’on découvre, au milieu de ses célèbres proches, celle qui aime lire Freud et les poètes, celle qui écrit aussi, à l’abri des strass et des flaches, en cachette.

Schneider nous introduit à Hollywood sans nous ménager : il nous plante comme des clous sur les plateaux des films qu’elle a tournés et nous oblige à respirer l’odeur acre du cinéma, de la politique du cinéma, de la politique tout court. En même temps,  il nous fait entrer dans le monde de l’analyse, percer l’intimité des cabinets des plus grands psychanalystes de l’époque, étudier l’arbre généalogique des analysés et analysants.

Le roman, puisqu’il a été ainsi dénommé, est une enquête policière et psychologique et, s’il n’a d’autre dénouement que celui bien connu de la mort de Marilyn Monroe, il n’est pas sans éveiller notre curiosité sur un soi-disant suicide qu’il interroge avec brio.

Un prix de l’Interallié mérité. Sans magouille, le livre est dense et magnifique.

Extraits choisis...

« - Et le docteur Greenson ? penchait-il pour la thèse du suicide ou du meurtre ?

- C’est un aspect sur lequel je ne peux me prononcer. Tout ce que je puis dire, c’est que dans le rapport que j’ai été ensuite chargé de faire à mon supérieur, j’affirmais que le psychiatre ne croyait pas que sa patiente s’était tuée. J’ai écrit à peu près ceci (de mémoire) : Suite à votre requête je me suis entretenu avec le docteur Greenson du décès de son ancienne patiente, Marilyn Monroe. Nous avons examiné cette question pendant plusieurs heures, et en conclusion de ce que m’a confié le docteur et de ce que révèlent les enregistrements qu’il m’a fait écouter, je pense pouvoir affirmer qu’il ne s’agissait pas d’un suicide. J’ai envoyé cette note. Elle n’a pas provoqué la moindre réaction. Dix jours plus tard, le 17 août, l’affaire fut classée. Ma note a aujourd’hui disparue… » (page 19)

«  Bien sûr, j’y pense. Souvent même. Quelquefois, il m’arrive de me dire que j’aime mieux penser à la mort  qu’à la vie. C’est tellement plus simple, la mort  en un sens. Vous ne trouvez pas ? On y entre, et on sait qu’on a presque toutes les chances de ne trouver personne de l’autre côté de la porte. Tandis que dans la vie, il y a toujours les autres, ou quelqu’un d’autre. Et quand vous entrez, ce n’est jamais par votre faute. Quant à en sortir… Vous connaissez un moyen de vous sortir des autres ?... » (page 88)

« Dans cet hôtel, elle aimait sa suite au vingt-septième étage sur Park Avenue qu’elle regardait la nuit comme on regarde un visage qui dort, mais surtout les portes à tambour de l’entrée. Revolving doors, portes tournant et retournant, la chose et le nom la fascinaient.

Un jour Truman lui dit :

- C’est l’image de nos vies, on croit qu’on va, mais on revient, on revient en arrière, on ne sait pas si on entre ou on sort.
- Si tu veux ; mais  pour moi, c’est d’abord l’image de l’amour, chacun seul, entre deux portes de verre. On se poursuit ; on ne se trouve jamais. On est loin en soi-même et on croit être tout contre l’autre. On ne sait pas qui précède et qui suit. Comme les enfants, on se demande qui a commencé. A aimer. A ne plus aimer…. » (page 112).


Infos...

Editions Grasset
Parution : Septembre 2006
400 pages
20 euros

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