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CULTURE & CIE

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CULTURE CIE & VOUS

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13 novembre 2006 1 13 /11 /novembre /2006 02:20


"Les romans sont dédiés aux parjures, on écrit le dédit et le dépit, on ressasse l'injustice (...). Un roman est toujours la banlieue d'un serment."


L'avis de Laurence Schmitt...

Elle est romancière, il est scénariste. Il lui demande une histoire. Elle a beaucoup d’images à raconter, d’où un nombre infini de mails échangés, mélangés à la réalité, sucrés de rêves, épicés d’érotisme seulement espéré.

Le titre est attirant, romantique. L’auteur est attirant, romantique et talentueux. Elle écrit très bien Camille Laurens. Elle nous montre ce qu’elle pourrait écrire de si joli, si les scénarios étaient différents, si les gens étaient autrement, si l’histoire n’était pas finie avant de commencer.

« Ni Toi ni moi », c’est un poème de quatre cent pages, où les mots se mêlent et s’emmêlent, où les rêves se perdent, où les êtres se meurent d’avoir été meurtris. 

On sait qu’un écrivain met de soi dans un livre, qu’un roman sort d’un auteur. Mais ici peut-être plus qu’ailleurs, on se demande ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, où est la réalité et celle qui a inspiré et… en s’attachant à ces pages, on se dit que l’auteur mérite de vivre une belle histoire, une vraie pour nous donner l’extrême plaisir de lire le bonheur avec ses mots, après ses maux. Aurait-elle tellement compliqué l’histoire s’il y en avait eu une véritable ? Reste à savoir, et on laisse ses secrets à l’écrivain…

Il faut lire son prochain livre, ses autres livres, vite retrouver son humour et son style incomparable.

L'avis d'Axelle Emden...

C'est un livre. C'est un film. C'est de l'autofiction. Alors c'est l'histoire de Camille, l'histoire d'Hélène et d'Arnaud, d'Ellénore et de Benjamin Constant. "C'est la répétion de Benjamin l'inconstant".  Une enquête sur l'amour, l'amour qui s'en va, qui se perd, qui est manifestement absent, qui manque... c'est la psychanalyse de l'amour.

C'est l'envers de "L'Amant" de Duras: le trop de conscience de l'amour. Mais le résultat est le même: l'amour est diffus, il s'est perdu, quelque part, on ne sait plus où, on ne sait pas quand, on ne sait pas comment. C'est un polar. C'est une romance dramatique. C'est une enquête. L'intrigue, elle est particulière: on sait, dès le début, que ça va mal finir. Mais les histoires d'amour finissent toujours mal, la littérature a déjà tout dit, "il suffit de le redire", comme s'amuse l'auteur à le dire dans une interview. Alors l'intrigue est ailleurs: dans ce qu'on ne dit pas.

C'est l'histoire du secret de l'amour. De ce qui nous pousse malgré nous, de ce qui nous dirige. Les "miroirs imposés" de Martin Rappeneau, les masques lacaniens, les inconscients qui font les rencontres, ou qui ne les font pas.

Dans le style il y a les douleurs et l'étouffement du manque, l'évidence de l'amour, l'inquiétude, la peur. L'enthousiasme aussi: en parler, en rêver, le revivre, c'est sublime, aussi sublime qu'insupportable. C'est un retour sur soi, un retour magnifique sur tous les sens interdits qu'on n'a pas voulu voir, tous les sens interdits qu'on ne veut jamais voir avec l'amour.

Tout prouve qu'il ne l'aime pas? Non, tout prouve qu'il ne sait pas aimer. Tout prouve qu'elle n'aurait jamais dû se jeter en amour, car on se laisse tomber, oui, on se laisse tomber en amour. On ne choisit pas, non, on ne choisit pas d'être touché, séduit. Mais on choisit, peut-être, de se laisser complètement tomber amoureux: tomber dans les bras de l'autre, s'abandonner. On choisit de parler ou de se taire. De faire semblant, de faire avec, de faire contre ou de faire sans. Jusqu'au moment où l'on ne choisit plus.

C'est l'histoire d'une répétition. Celle des échecs sentimentaux. De quelqu'un qui se laisse tomber, qui n'existe plus, qui n'existe que par un amour impossible, qui "n'a rien".

C'est brillant. Intelligent. Très, très bien écrit. Sincère. Le contraire d'une littérature "sans estomac". Les mots viennent des tripes, de la première à la dernière ligne. C'est authentique. Analytique. Et dialectique. Comme la psychanalyse, finalement...

C'est vrai, on a envie qu'elle le trouve, l'amour, Camille Laurens. C'est vrai, "on écrit en présence de ce vide frémissant", c'est vrai, on écrit pour sublimer, la perfection se trouve dans l'absence, toujours, de la parousie chrétienne au coeur ouvert de Camille Laurens. Mais on a envie de lui dire, quand même: la sublimation n'est pas inutile. Elle est inutile comme l'art, comme la philosophie, c'est un luxe. Totalement inutile, totalement nécessaire. La sublimation lui offre un autre amour, certes anonyme, certes diffus, mais un amour quand même: celui du public.

On s'arrache le coeur à fermer ce livre. On court à la librairie, crise de boulimie: on en veut encore, on en veut d'autres, on ne veut pas la quitter, pas elle, il faut rester avec elle, dans son monde, son style, sa vérité.

Extraits choisis...

"Pourtant moi, vous savez ce que je voudrais? C'est voir non pas ces images, mais le passage de l'une à l'autre, comment s'opère le passage, le saut de page, repérer le tournant, la sortie de route, voir comment ça tourne, ça tourne rond, ça tourne vinaigre, qu'est-ce qui se passe entre deux, qu'est-ce qui passe, comment ça se passe quand ça passe? Vous trouvez normal, vous, que l'amour passe?" (p.20)


"L'angoisse est pourtant le signe initial de l'amour, comme elle en signe aussi la fin, c'est même une chose étrange cette symétrie: l'amour commence comme il finira, il finit comme il a commencé, par cet effroi qui serre le coeur autour d'un vide, cet appel d'air entravé qui coupe le souffle comme un appel à l'aide, ce mouvement d'accordéon intime qui inspire et expire, diastole et systole, chaud-froid, pompe affolée." (p.28)

"Tomber amoureux, c'est naître en se souvenant d'être né, aucune naissance n'est naïve, c'est vieux comme le monde. Quelque chose se rejoue, qui fait trembler, on a déjà marché dans cette jungle, aux aguets, menacé, mais quand, mais où, la peur ne dit pas tout, la peur a ses secrets - on enrage, on s'émeut, on perd courage: on n'a pas demandé à naître." (p.29)

"Cette phrase, "tu m'avais dit", pourrait servir d'exergue ou d'incipit à des milliers de romans de par le monde. On écrit pour raconter l'histoire d'une trahison, pour mesurer le décalage ou l'abîme entre ce que tu m'avais dit et ce qui s'est passé. Tout promet et rien ne tient. La haine nous pousse, ou la douleur: à quoi bon donner sa parole si c'est pour la reprendre - donner c'est donner, reprendre c'est voler." (p.158)


A noter...

375 pages

Parution : 21 août 2006

Editeur : P.O.L

Collection : Fiction

Pour plus d'informations...

Site de l'éditeur :

Camille Laurens

Revue de presse "Ni Toi ni moi"

Premières pages

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