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CULTURE & CIE

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CULTURE CIE & VOUS

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16 juin 2007 6 16 /06 /juin /2007 05:45
Comment éviter les pièges des stages


LE MONDE | 16.06.07 | 11h49 • Mis à jour le 16.06.07 | 14h43


Un stage rémunéré 300 euros mensuels sous forme de droits d'auteur : c'est le piège dans lequel est tombée une lectrice. Les candidats à l'emploi, auxquels certains employeurs font miroiter une éventuelle embauche, n'osent ni se plaindre ni dénoncer le procédé.

A la recherche d'un premier emploi, une lectrice a trouvé, en surfant sur Internet, une annonce qui lui paraissait intéressante. Il s'agissait de rédiger des informations (notes de lecture, expositions, biographies, critiques de spectacles) sur un grand site culturel. L'idéal pour cette jeune femme qui, après avoir obtenu une licence de philosophie, cherchait à entrer dans la vie active. "Comme je n'étais plus inscrite à l'université, je ne pouvais plus avoir de convention de stage, dit-elle. J'ai pourtant été immédiatement acceptée comme stagiaire, rémunérée 300 euros mensuels... sous forme de droits d'auteurs."

La rémunération, versée tous les trois mois, s'élevait à 875 euros par trimestre, une fois déduites les cotisations à l'Association pour la gestion de la Sécurité sociale des auteurs (Agessa). Cela ne donnait à notre lectrice accès ni à la Sécurité sociale, ni au chômage, ni à l'acquisition de points pour la retraite. En effet, seuls les auteurs justifiant d'un revenu annuel minimum de 7 039 euros bénéficient de ces droits. Les autres cotisent mais n'ont aucun avantage, car ils sont censés être auteurs occasionnels.

"J'étais astreinte comme une véritable salariée à une présence hebdomadaire de trente-cinq heures avec un objectif de cent notules à rédiger par mois, précise notre lectrice. Jamais on ne m'a apporté la moindre formation ou aide. Le chef de service se contentait de gérer la boutique au mieux de ses intérêts."

Comme beaucoup d'autres, elle s'est vu offrir une prolongation de stage de trois mois. Elle a accepté parce qu'elle espérait être embauchée à terme. "A la rédaction, qui comptait 30 personnes en avril, nous étions 24 stagiaires, dont seulement deux conventionnés, raconte-t-elle. C'est sans doute pourquoi, lorsqu'elle a été prévenue d'un contrôle de l'Urssaf, la directrice nous a demandé de ne pas venir ce jour-là."

A l'issue de cette deuxième période, elle a encore fourni quelques prestations, rémunérées 10 euros l'article. "Je me suis alors aperçue que je gagnais en une semaine les 300 euros que j'avais tant peiné à obtenir en un mois", conclut-elle.

Selon le directeur de cette entreprise, "les droits d'auteur existent et sont utilisés couramment dans les secteurs des médias et de l'édition". Il a toutefois précisé qu'il n'avait pas le droit de s'exprimer, le site (qui a réalisé en 2006 un chiffre d'affaires de 1,8 million d'euros) venant d'être racheté par un grand groupe de presse, où il intégrera le pôle "nouveaux médias". Interrogé sur ces pratiques, le nouveau propriétaire répond sans plus de précisions : "Nous allons tout faire pour faire passer ce site du stade de start-up talentueuse à celui d'entreprise installée."

Les jeunes en quête d'un premier emploi ne devraient pas accepter de telles conditions, mais alerter l'Urssaf. Cet organisme chargé de vérifier si les heures travaillées ont été déclarées procède à des inspections comptables amiables tous les trois ans dans les grandes entreprises ; le contrôleur prévient alors de sa visite. Mais il effectue aussi des contrôles inopinés. Son service de lutte contre le travail illégal collabore avec l'inspection du travail au sein des comités opérationnels de lutte contre le travail illégal (Colti).

"L'Urssaf dispose de plusieurs moyens : auditionner les salariés dans ses propres locaux, redresser les cotisations sociales non déclarées, contraindre l'entreprise à verser au salarié les heures dissimulées", explique Emmanuel Dellacherie, responsable du contrôle à la Caisse nationale des Urssaf. Il reconnaît cependant qu'il est difficile de requalifier les droits d'auteur en salaires ; en effet, comment déterminer le nombre d'heures effectuées ?

C'est pourquoi certains employeurs profitent largement d'un système qui réduit la cotisation patronale à 1 %, mais détourne l'esprit et la lettre de la loi ainsi que la morale la plus élémentaire. Le mouvement Génération précaire prépare pour septembre un Livre blanc sur ce sujet.


A noter...

Sites Internet :

www.urssaf.fr

www.generation-precaire.org

Michaëla Bobasch pour Le Monde du 16 juin 2007

Tribute to "Generation Précaire"...

Nous pouvons alimenter votre "Livre Blanc"... !
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15 juin 2007 5 15 /06 /juin /2007 23:00

Je fais la queue à la caisse de la Fnac Rennes. Le magasin a été chamboulé, c'est un vrai bordel. Les gens se bousculent et sont de mauvaise humeur. Une vieille dame me passe devant. Je n'ai pas envie de la laisser me mettre de mauvaise humeur. "Je vous en prie, je ne suis pas à une minute près", lui dis-je, souriante, alors qu'elle me bousculait. J'aime bien faire remarquer aux vieilles dames mal élevées que les jeunes gens remarquent leur impolitesse. Et j'aime bien faire remarquer aux gens trop pressés qu'ils sont ridicules, qui plus est quand ils sont retraités. Dans le bac des CD vierges et des piles, il y a un ou deux livres délaissés par des clients indécis. Je n'ai rien à faire à part attendre mon tour. Je jette un oeil sur le titre du livre: "Mémoires d'un jeune homme dérangé". Je souris. Voilà qui devrait pouvoir parler à une jeune bourgeoise déjantée... Mais qui est donc l'auteur de cette allusion à De Beauvoir ? Je pousse l'autre livre qui cachait le nom de l'auteur: Frédéric Beigbeder. Prise à mon propre piège: après tout, ce titre m'avait fait sourire, alors pourquoi donc céder à mes préjugés sur ce gringalet arrogant qu'il m'arrivait de croiser dans de hauts lieux de débauches ? Il m'agace à la télévision, je l'avais trouvé prétentieux lorsque nous avions échangé quelques mots lors d'une conférence de presse mais... Mais après tout, c'est vraiment pitoyable de se plaindre d'être victime d'un tas de préjugés et de ne pas tenter d'aller au-delà des siens. Et puis... est-ce que j'aurais lu du Modiano si je l'avais d'abord vu à la télévision ? Non. Ca aurait été une grande erreur ? Oui ! C'est mon tour à la caisse: j'embarque ces mémoires dérangées, ça fera de l'ordre dans ce bac sans dessus dessous.

C'est curieux les préjugés. C'est curieux la médiatisation, l'hostilité des endroits mondains aussi. Les médias n'avaient pas su me donner envie de lire "99 francs": rébellion pathétique d'étudiante en philo ? Peut-être ! Pourtant, c'est Sagan qui m'avait fait aimer la littérature... Comme on peut se tromper sur soi et sur les autres... Heureusement, il y a des gens qui délaissent des livres à la caisse: je m'attendais à du cynisme, à un manque de sincérité, à de l'arrogance, à un ego surdimensionné bien imprimé dans des lignes au talent insuffisant... Comme j'ai été surprise ! De l'humour, des calembours, de la vérité, de la simplicité, du romantisme et tout cela sans que l'auteur ne se prenne au sérieux: autant dire que je m'étais trompée sur toute la ligne. Beigbeder est drôle et simple. Ses jeunes mémoires sont sans prétention et se lisent en... une heure et demie ! Oui, elles sont jeunes et courtes, comme les premières amours: elles n'ont pas de fin, puisque nous avons nos souvenirs. Et nos rêves. Ce qu'elles racontent ? Nos vies ! La sienne, la mienne, la vôtre peut-être: une histoire qui prend fin, des nuits trop arrosées, des habitudes de drogués, de sale gosse, de rêveur, de romantique... qui a le sens des réalités, ou qui sait les inventer. Marc Marronnier est touchant, drôle, humain. Il tombe amoureux, voilà de quoi il s'agit.

Beigbeder est moins trash que Lolita Pille, plus fleur-bleue, moins hard, et bien plus respectueux de la grammaire. Il est plus sincère qu'un Florian Zeller,  plus direct qu'une Audrey Diwan mais c'est à cette génération d'écrivains qu'il appartient, même s'il est un peu plus vieux... Non, Beigbeder n'a pas grand chose de Jean-Marie Rouart ou de Duras. Quoique... Il aime l'amour, et il est lui-même. J'avoue: je ne lis pas Voici. Je ne savais pas que Beigbeder était écrivain.

Extraits choisis...

"En ce temps là, tout était grand. Nous passions nos journées dans de grandes écoles et nos nuits dans de grands appartements. Nous avions de grandes mains, des grands-parents et de grandes espérances. Les adjectifs qui revenaient le plus souvent dans nos conversations étaient "grandiose", "immense", "gigantesque", "énorme". Nous-mêmes n'avions probablement pas terminé notre croissance. De grands hommes ordonnaient de grands travaux, d'autres opéraient de grands changements un peu plus à droite sur la carte de la Grande Europe. De grandes épidémies menaçaient nos grandes envolées lyriques. Nous avions grand peur que cela ne tourne mal. A force, nous étions tentés d'être des gagne-petit." (les premiers mots...)

"Mon exaltation me faisait rire. J'avais enfin l'impression de concorder avec mon temps. Il y avait des révolutions partout, pourquoi pas en moi? On nous parlait de la fin de l'Histoire. Or la mienne redémarrait. La Fin des Idéologies avait engendré une idéologie de la Fin. C'était le culte de la chute. Tout était bien qui finissait mal. Foutaises ! Méfiez-vous de vos idéaux soft car ils m'ont donné des envies hard. Mon réveil sonne. Poussez-vous, j'arrive ! On a voulu faire de nous des lopettes fatiguées et voici qu'une génération déboule, violente, sexuelle, révolutionnaire et amoureuse. Qui a dit que l'histoire ne repassait jamais les plats ?"

"A l'intérieur, je fis l'imbécile. Le club était plein de célébrités, de poivrots, de mythomanes, d'écrivains, de putes et de violeurs. La clientèle habituelle. Je forçais Anne à danser, la quittais pour saluer des copains, embrassais des jolies filles devant elle. Je pensais l'épater mais je ne faisais que la décevoir. Je le sentais, mais continuais mon petit jeu car je n'avais pas d'autre idée, et mon cerveau s'embrouillait. Je ne peux m'en prendre qu'à moi si ce qui devait arriver arriva."

"Je hais les mecs invulnérables. Je n'ai de respect que pour les ridicules (...). Le ridicule est le propre de l'homme. Quiconque n'est pas régulièrement la risée des foules ne mérite pas d'être considéré comme un être humain. Je dirais même plus: le seul moyen de savoir qu'on existe est de se rendre grotesque. C'est le cogito de l'homme moderne. Ridiculo ergo sum. C'est dire si j'ai souvent conscience de ma propre existence."

"Le meilleur remède contre la vie quotidienne, c'est le culte du quotidien, dans sa fluidité. Les hommes craignent la vie de couple, pour une seule raison: la peur de la routine. Cette peur en cache une autre, celle de la monogamie. Les types n'arrivent pas à admettre qu'ils puissent rester toute leur vie avec la même femme. La solution est simple: il faut qu'elle soit bonniche et putain, vamp et lolita, bombe sexuelle et vierge effarouchée, infirmière et malade. Si la femme de votre vie est innombrable, pourquoi iriez-vous ailleurs? Votre vie quotidienne cessera alors d'être une vie de tous les jours."

Mes phrases cultes...

"Parfois il lui arrive de trouver imbéciles ses soirées mais il ne lui viendrait pas à l'idée d'en manquer une."

"Ils hésitaient entre un idéal d'extrême confort et le fantasme aristocratique de n'avoir rien pour avoir tout."

"Rien de tel qu'une ivresse parmi les fantômes pour remettre les pendules à l'heure."

"Il n'y avait ni vainqueur ni vaincu au jeu des sorties: juste un amour victime des paradis superficiels."

"J'aime notre bande: comme dans tous les groupes de copains, nous n'avons aucune raison de nous voir. Juste la déraison."

"Les Rita Mitsouko se sont trompés: les histoires d'amour finissent bien. Sinon, ce ne sont pas des histoires d'amour, ce sont des romans."

"Je suis heureux; tant pis, j'essaie d'écrire tout de même."

"Quiconque prétend comprendre la société devrait obligatoirement s'asseoir au bord de la piste de danse d'une boite de nuit pendant une heure en prenant des notes."

"Un fêtard qui tombe amoureux, c'est quelqu'un qui tourne la page."

A lire, en terrasse, dans son lit ou sur la plage...

"Mémoires d'un jeune homme dérangé"
Frédéric Beigbeder
La Table ronde
147 pages
7 euros
Lien Amazon

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14 juin 2007 4 14 /06 /juin /2007 02:26


A l'occasion de l'exposition "Rembrandt et la nouvelle Jérusalem, juifs et chrétiens à Amsterdam au Siècle d'or", les éditions Complicités rééditent "Le Peintre et le philosophe ou Rembrandt et Spinoza à Amsterdam". Un roman fait sur mesure pour les fans d'esthétique...

A noter...

Le livre:

Pour en savoir et commander cet ouvrage directement en ligne (vous trouverez également cet ouvrage dans la librairie du Musée d'art et d'histoire du Judaïsme), cliquez ici

L'exposition:

Jusqu'au 1er juillet 2007
Musée d'art et d'histoire du judaïsme
71 rue du Temple 75003 Paris
Métro Rambuteau
Du lundi au vendredi, de 11 heures à 18 heures
Dimanche, de 10 heures à 18 heure

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12 juin 2007 2 12 /06 /juin /2007 03:51


Le Dirty Sound System propose la première d'une série de compilation thématique qui ambitionne de dépoussiérer le genre en échappant à la facilité, mal endémique de cet exercice. Consacré à la Cosmic Disco, ce premier volume rend hommage au Dj italien fondateur du genre : Daniele Baldelli. Faite avec érudition et passion, la sélection est excellente: morceaux rares de cosmic, new wave et disco lente, lente, se bousculent sur ce premier volume. Vous êtes donc prévenu: le disque de l'été sera à la fois très chaud et très froid.

A noter...

En exclusivité chez Colette à partir du 18 juin avec en bonus pour les 100 premiers acheteurs une Cosmic Card permettant le téléchargement d'un mix inédit.

La musique sur CultureCie...

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11 juin 2007 1 11 /06 /juin /2007 00:48

Dans un essai à la fois pédagogique et profond, Didier Peyrat dresse un tableau sans complaisance des errements d’une sociologie absolutrice, prompte à noyer le problème de l’insécurité dans la violence de la société.

Magistrat au Tribunal de grande instance de Pontoise, Didier Peyrat intervient régulièrement dans les pages « opinions » du Monde ou de Libération. Il a consacré plusieurs publications à la question de l’insécurité. Face à l’insécurité : refaire la cité (Buchet Chastel, 2007, 210 pages) est la dernière en date.

La réflexion engagée par l’auteur, qui nous invite rien moins qu’à méditer sur la morale et la liberté humaine, est à la mesure de la gravité du problème. Car « au-delà de ses victimes immédiates, qu’elle abîme, l’insécurité excessive s’attaque à la sociabilité, qu’elle déchire ». L’insécurité trouve ainsi sa source dans la crise majeure de la civilité dans laquelle la société française est empêtrée et qui pèse lourdement sur les rapports sociaux au quotidien. Ce « vivre-ensemble » dont tout le monde se gargarise, à gauche comme à droite, est en réalité le nœud du problème.

Ne sacrifiant ni au catastrophisme ni à l’angélisme, Didier Peyrat dresse sereinement le diagnostic : tout d’abord, nous assistons à une augmentation, un durcissement et un rajeunissement inquiétant de la délinquance juvénile ; ensuite, une banalisation des modus operandi violents est à l’œuvre depuis quelques années ; enfin, une jonction commence à s’opérer entre des actes de délinquance classique (vols, dégradations, etc.) et certains comportements découlant d’alignements identitaires, voire carrément racistes.

Se tenant à égale distance de ces deux simplismes qui voudraient, d’une part, que la délinquance « explose », et d’autre part, que l’insécurité ne soit qu’une hallucination collective, l’auteur montre, chiffres à l’appui, que le phénomène enfle lentement depuis les années soixante. Une démonstration d’autant plus forte que l’auteur, ancien membre du Syndicat de la Magistrature, est ancré à gauche. Mais sur les dix dernières années, ce sont les violences graves contre les personnes, c’est-à-dire celles qui entraînent une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, qui ont sensiblement augmenté. Si les vols et recels se stabilisent à plus de deux millions par an depuis le milieu des années 80, les vols avec violence (sans arme à feu) ont cru de 120 % en quinze ans. Le tableau ne serait pas complet si l’on ne tenait compte de la baisse de la propension des citoyens à porter plainte.

Bien sûr, d’aucuns ont pu soutenir qu’il ne s’agissait là que d’un effet d’optique, que ces hausses ne reflétaient que l’intensification du système de police. Mais pour Didier Peyrat, « cette thèse ne résiste pas à l’examen » dans la mesure où moins de 8 % du total des infractions comptabilisées relèvent d’une initiative de la police. En réalité, la grande masse des délits est portée à la connaissance des services de l’Etat, après coup, par les plaignants.

Ainsi, l’insécurité n’est ni un « sentiment » construit de toutes pièces par les médias, ni l’expression d’une révolte. D’ailleurs, ce n’est que de manière marginale qu’elle se dirige contre les institutions.

Sceptique vis-à-vis du bilan de Nicolas Sarkozy au Ministère de l’Intérieur et des effets positifs de la démagogie sécuritaire, Didier Peyrat n’en flétrit pas moins l’inanité d’un discours antiautoritaire de gauche selon lequel « l’insécurité n’est qu’un leurre agité pour détourner l’attention des questions sociales ». Ferraillant contre une idéologie antisécuritaire d’inspiration néomarxiste dont Loïc Wacquant, à la suite de Pierre Bourdieu, est sans doute le plus auguste représentant, Peyrat réfute ce serpent de mer des sciences sociales politiquement correctes : la « montée du punitif ». Il ne manque pas, au passage, de contester la rigueur des travaux du très controversé Laurent Mucchielli, ce chercheur en sciences sociales qui explique à qui veut l’entendre que l’inscription du problème de l’insécurité sur l’agenda politique est le signe d’une lepénisation des esprits. Au contraire, Peyrat relève avec pertinence que « la montée en puissance électorale et l’installation du Front national dans le paysage politique français ont coïncidé avec la montée de la victimation de masse ». On doute alors que ce soit en niant le problème de l’insécurité qu’on combattra avec succès les idées frontistes.

S’érigeant en faux contre l’approche sociodéterministe actuellement hégémonique à l’Université, Peyrat réhabilite un auteur aujourd’hui tombé dans l’oubli : Georges Gurvitch. Le sociologue avait tenté de penser les relations entre le déterminisme social et la liberté individuelle. « Pour lui, les facteurs sociaux ne détruisent aucunement la liberté humaine. Simplement, ils en font "une liberté située, liberté encadrée dans le réel, liberté sous condition, liberté relative". Une sociologie criminelle n’éludant ni l’existence des conditionnements ni celle de la liberté, mais essayant de penser leur tête à tête, leur confrontation, leurs enchevêtrements, est parfaitement possible ».

Espérons que l’appel sera entendu.

A noter...

Paru en janvier 2007
Chez Buchet-Chastel
210 pages

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Voir aussi sur CultureCie...

  Et aussi...

  "Le Malheur français" de Jacques Julliard.

  "Le Socialisme libéral" de Monique Canto-Sperber.

 "La Démocratie et le marché" de Jean-Paul Fitoussi...

 

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10 juin 2007 7 10 /06 /juin /2007 03:57
Image hébérgée par hiboox.com

C'est déjà le cinquième numéro de "Monocle" qui sort le 11 juin 2007. Ce magazine, conçu par Tyler Brûlé, fondateur de "Wallpaper", approche l'actualité en cinq lettres : A pour les affaires, B pour le business, C pour la culture, D pour le design, et E pour les editions. Simple, simple, simple, et efficace !

200% n'est pas un magazine comme les autres. C'est un bookazine. Ce nouveau numéro, avec en couverture une sculpture de Marc Quinn, présente 12 sujets inédits sur des personnalités de l'art, de la mode, la musique ou le cinéma. Un grand bravo à son fondateur, rédacteur en chef, directeur artistique et éditeur Thierry Somers !

Dispo chez Colette
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10 juin 2007 7 10 /06 /juin /2007 02:06

Avec cette rechute dans son coup de foudre éternel, Ann Scott donne une suite totale à l’histoire d’amour de son deuxième roman, « Superstars ». Une plongée abyssale dans l’obsession de l’évidence, et de l’absence. Un roman très court qu’on lit d’une traite, le souffle pendu aux sms d’une petite diablesse dont les effets résonnent, résonnent, résonnent. Un grand livre d’amour.

 « On est combien au monde, combien de milliards ? »

« Superstars » avait Inès. Ici l’héroïne de notre narratrice - alias « tu » - s’appelle Iris. Et les lecteurs du deuxième roman d’Ann Scott ne seront pas étonnés d’apprendre que cette Iris est une réminiscence, une vieille histoire, enfin… de celles qui nous hantent à jamais, quand-même. « Tu » as tout pour être heureuse : un boulot qu’elle aime, un bel appart, de l’argent, des amis, ça pourrait être le meilleur des mondes quoi. Oui mais… un jour elle croit la croiser, la voir, puis le hasard, les coïncidences, la facilité avec laquelle on se persuade souvent d’avoir non pas un destin mais un amour unique, absolu, un amour avorté par la vie et les circonstances, mais un amour, un très cher amour, l’amour, le seul en fait, oui, le seul dont on est la proie comme ça. La facilité avec laquelle on s’engouffre dans ces évidences ressenties jusqu’à retomber, évidemment, en amour total, en dépendance. Car on tombe en amour, oui, on trébuche mais avec le temps on sait, on le voit, le sens interdit, mais les diables sont là qui nous appellent, qui nous regardent, qui nous touchent avant même d’avoir dit un mot, et voilà que ce diable de l’amour lui parle, et « tu » es déjà dedans chérie, dans « cette histoire de merde », parce que malgré ta conscience, tu peux pas t’empêcher d’essayer de la vivre, cette putain d’histoire. Mais l’amour… « l’amour la solitude ». « Héroïne » est l’histoire de cette conjugaison-là.

Il y a des histoires comme ça, des histoires de sens interdits. On se prend la tête, on se prend des murs, on se tape des lapins et on se prend encore à rêver : la réalité est ailleurs, comme si l’estomac pouvait ne pas mentir, comme si nos hauts-de-cœur disaient quelque chose de l’amour de l’autre. Dans ces cas-là on se parle beaucoup à soi, on retourne des tas de trucs dans nos têtes, avec l’absence de l’autre on finirait presque par être deux avec soi, on se dit « tu » tiens, il faut dire qu’on passe pas mal de temps avec soi-même, depuis le temps… « Tu » ! Une idée tellement simple et pourtant si déroutante, abandonner le « je » ou le « elle » pour le « tu ». Dans le personnage il y a déjà cette évidence : « Héroïne » est une histoire d’amour universelle ; « tu », c’est bien la narratrice, mais c’est personne, c’est tout le monde, c’est vous, c’est « toi ». Un « toi » amoureux, quelqu’un qui ne sait plus dire « non ». Qui est touché d’avance, avant même d’être la cible. Alors « tu » es flatté d’être la cible.

« C’est comme les anges qui se cassent la gueule »

Donc « tu » t’engouffres - excuse-moi de conjuguer - l’amour absolu devient une solitude absolue, une amertume de chaque instant, une attente permanente, et les secondes deviennent douloureuses, car évidemment l’amour c’est une drogue, un visage inépuisable, un corps qu’on retrouve, non, pas un corps, son corps, le corps, tu fonds évidemment, tu te liquéfies, tu ne te ressembles plus, tu n’es plus rien, tu ressembles un peu à cette héroïne de « Ni toi ni moi », tu n’as rien chérie, tu n’as plus rien, tu es pathétique évidemment mais tu as tant d’amour qu’on a envie de te dire que tu as tout, tout ce qui est au-delà de l’orgueil et des raisons, tout ce qui vient de loin, tu l’as, même si tu n’as plus grand-chose, même si tu n’es plus grand-chose. Elle est fatale, celle qui te mène par le bout du nez avec son visage angélique. Un peu comme l’amour, ça laisse jamais tranquille. Un peu comme la vie, on n’y échappe pas. Mais vivre… il faudrait pouvoir ne pas choisir entre vivre et aller bien.

Un et un font un. Pas original vous allez me dire, encore une histoire d’amour qui se termine mal, qui n’existe pas, qui est sans autre épaisseur que la chair qu’on y met. Oui, mais la chair littéraire d’Ann Scott est toujours taillée au scalpel, pénétrée, pénétrante : dénuée de toute mièvrerie elle ne laisse place qu’au sang même de ce dont elle parle. De quoi ici ? De fusion, de conjugaison, de confusion. De deux anges qui se cassent la gueule. Oui, l’héroïne c’est « tu », cette narratrice sans nom qui n’a d’autre identité que l’amour fou qu’elle porte à une petite garce. Oui, l’héroïne c’est aussi Inès, c’est l’absente, ou le tiers, ce qu’on ne voit pas, ce qu’on ne voit jamais tellement c’est aveuglant.

Car un et un font souvent trois. Evidemment, la « moitié » c’est un mythe, tout juste ce qu’il reste de soi après, et encore, si on s’en sort, et encore… peut-être qu’on a commencé bien plus tôt à être un demi-soi et puis d’ailleurs, le tout c’est quoi, cette sensation infernale à laquelle on se fie pour rien hein ? L’autre qui se fond en soi, qui nous fait fondre, qui nous confond, alors voilà, c’est déjà trop tard, on est dans la confusion, celle des sentiments qui nous perdent. Ça vaut de l’or, de ressentir ça, oui, « or », « ou » en anglais tiens, c’est amusant, comme si c’était toi ou moi, jamais toi et moi : l’or, au fond, peut-être que ce n’est qu’une image, quelque chose d’inatteignable, comme la beauté qu’on n’attrape pas. « Ou », ça veut dire « soit », ça veut dire « même », ça veut dire « autre »… ça veut dire tout et son contraire quoi, alors vous trouvez ça étonnant, vous, que ce « ou » mène à une simple fatalité, celle de ne plus savoir où l’on est ? Ironie du sort, à se perdre, on pourrait bien finir par se trouver.

« Putain je t’aime »

L’amour, c’est un truc qui finit mal, bon, l’ « Héroïne » d’Ann Scott est un hymne universel à ce trou noir qui nous tient, qui nous hante avant même d’avoir commencé. Un hommage à ce « putain je t’aime » ressenti ou entendu, ce bouleversement total qui peut aller jusqu’au chaos. Ici les envies se croisent, les risques sont pris à sens unique, les peurs jamais vaincues et l’autre, et bien l’autre échappe tout simplement. C’est un ange tombé du ciel, c’est le diable qui nous tombe sur la gueule. C’est pas le propre de l’amour, de nous toucher comme ça ? Non, vous n’avez encore jamais lu ça. Pourquoi ? « Parce que », comme dirait Barbara.

On pourrait répéter mille fois combien Ann Scott est la meilleure des réalisatrices de la littérature, elle avoue ne pas lire Duras quand elle écrit, l’emprunte serait trop grande… Aucune copie évidemment, que du Ann Scott pur et tendre. Et pourtant au début avec son style à elle et les mots qui sont ceux des livres d’aujourd’hui, on retrouve bien ces débuts de « L’Amant » : c’est un livre, c’est un film. D’ailleurs « tu » commences par ça : « tu es bien le genre de personne à imaginer que tu es dans un film. Quand il t’arrive un sale truc, c’est toujours comme ça que tu parviens à t’en sortir. Rien de tel que ce recul pour dédramatiser. » C’est ça quand on réalise d’emblée la gravité de la situation, quand on réalise dès le départ que l’amour est là, qu’on est perdu, mais dès les premières phrases on sent bien que c’est comme l’histoire de l’homme de la Chine du Nord : c’est l’amour, qui s’est perdu.

Alors on cherche, on cherche où, on cherche comment, on cherche pourquoi. Rien de tel que d’écrire un livre pour tourner la page, c’est bien connu, la littérature est thérapeutique, d’ailleurs les psys appellent ça la « sublimation ». Sublimer, oui, Ann Scott sait faire ça. C’est dans les cordes de son écriture, alors cette plume devient brutalement le nid du corps-à-cœur éternel. Une fragilité, anéantie, noircit les pages, avec lucidité, ironie, humour, comme d’habitude. On y est. Embarqués sur les traces de la certitude ou du mensonge, guettant les signes qui hantent une narratrice dont la maladie est contagieuse : « Putain je t’aime », c’est ce qui coule dans nos veines encore longtemps après avoir refermé le livre.


Extraits choisis…

« A cet instant, elle est telle que tu l’avais prise en pleine gueule cinq ans plus tôt. Sourcils froncés, bouche entrouverte dans un rictus presque douloureux – une urgence que tu pourrais toucher du bout du doigt. On a généralement du mal à voir quelque chose dans des yeux noirs, mais là, c’est comme si un passage s’était ouvert. Tu vacilles au bord d’un gouffre d’une profondeur vertigineuse. Tu sais qu’à la seconde où ses lèvres vont toucher les tiennes, le sol, ou plutôt le matelas dans lequel tu es enfoncée, va s’ouvrir comme une trappe et tu vas tomber dans le vide. Je peux plus attendre, elle siffle entre ses dents. Et empoignant tes cheveux d’une main, elle remonte vers ta bouche. » (p.53)

« Tu voudrais croire que tu es de ces gens pour lesquels travailler coule de source, mais ce n’est pas le cas. La moindre contrariété, le moindre accès de flemme, la moindre allégresse ont tendance à te plonger dans la contemplation de toi-même. Tu es donc fière de constater que pour une fois – pour la première fois peut-être – l’image que quelqu’un a de toi te pousse à donner le meilleur de toi-même. » (p.64)

« On est combien au monde, combien de milliards ?
Combien de gens en train de crever à cette seconde, combien d’autres en train de naître ?
Et nous on est là à fixer sur l’odeur d’une nuit, d’une seule. Sur un poignet, une nuque, une mèche de cheveux. Et pendant des années ça brûle chaque fois qu’on y pense. Puis ça s’estompe, ensuite, à force, mais pour revenir encore plus fort, plus clair, d’une autre manière, comme une maladie qui s’appellerait la vie. » (p.148-149)


A noter…

« Héroïne » d’Ann Scott
Première publication : 17 août 2005, Flammarion, littérature française
Poche : J’ai lu, Nouvelle génération, 2006
155 pages
4,80 euros

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Ann Scott sur CultureCie…














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9 juin 2007 6 09 /06 /juin /2007 18:58
Le sens des voyeurs II, 2000 - Tempera sur papier,
coll. privée, Paris  © ADAGP 2007


Philippe Mayaux, prix Marcel Duchamp 2006, investit le Centre Pompidou de ses chimères. La jubilation d’un plasticien original et déconcertant, dans la droite lignée des surréalistes.

Chaque année depuis 2000, à l’occasion de la FIAC, l'ADIAF, Association pour la diffusion internationale de l'art français, décerne le Prix Marcel Duchamp. Le comité de sélection, composé de collectionneurs privés et d’amateurs d’arts, établit une liste de « nommés » parmi lesquels un jury d’experts internationaux choisit le lauréat. Ainsi, c’est l’art contemporain des collectionneurs, des galeries et des foires, bien plus que celui des institutions académiques parfois trop frileuses, qui est à l’honneur.

Lors de la FIAC 2006, le prix Marcel Duchamp est revenu à Philippe Mayaux, jeune homme quadragénaire de Montreuil, habitué de la galerie Loewenbruck de Saint-Germain-des-Prés, et qui, depuis 1990, a été exposé dans plusieurs galeries prestigieuses en Europe comme aux Etats-Unis.

Touche-à-tout sans pareil, ses œuvres sont toujours teintées d’une joyeuse ambiguïté, mêlant la sexualité à humour, l’agressivité au kitsch ou au mystérieux, pour arriver à des œuvres aux significations paradoxales : la mort et l’infini, les armes et la neutralité, l’amour et la violence. Son choix de s’attaquer à l’absurdité et la folie du monde, en utilisant les mêmes armes, lui font travailler tous les matériaux qui s’offrent à lui : ainsi peintures, moulages, sculptures et machineries mécaniques créent à chaque fois des réactions, plus que des questionnements, chez le visiteur de ce monde si particulier et faussement naïf. « La seule fonction de l’œuvre est d’être vue, pas de plaire »* selon cet artiste.

L’exposition pourra heurter la sensibilité de quelques visiteurs, et pas seulement des plus jeunes. Même si les œuvres présentées paraissent très disparates, la scénographie de l’espace les ordonne et les relie comme une évidence.

Enfin, il apparaît bien utile de passer quelques minutes à lire le livret distribué à l’entrée, où Mayaux donne quelques clés de son œuvre tout en montrant qu’il ne se monte pas la tête: ces œuvres offrent-elles beaucoup d’interprétations possibles ? Oui, il le revendique : « les interprétations sont le fondement de la démocratie. »* On lui reprocherait une esthétique de mauvais goût ? « La modernité a inventé une sorte de beauté poétique. C’est dans la beauté déviante, frêle et malade, que l’on trouve aujourd’hui la plus belle poésie. »*

Dérangeant, mais jubilatoire.

* entretien avec Philippe Mayaux, catalogue de l’exposition

A noter :

Du 10 mai au 15 août 2007
Centre Pompidou – Espace 315
Place Georges Pompidou
75004 Paris
Métro : Rambuteau, Hôtel de Ville, Châtelet
RER : Châtelet /Les Halles

Du mercedi au lundi, de 11h à 21h.
Entrée : 10€, tarif réduit 8€

Soirée spéciale…

Une rencontre avec Philippe Mayaux est proposée le mercredi 30 mai à 19h à l’entrée de l’exposition. 4,50 € (3,50 € TR) en plus de l’entrée.

Pour plus d’informations…

www.centrepompidou.fr
www.adiaf.com
www.loevenbruck.com


A visiter sur CultureCie: les expos du mois de mai...















"Play. Record. Watch. Stop." ou l'expo musicale de colette

Nouvelle expo de Stéphane C.

Réouverture de la galerie Dominique Fiat
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8 juin 2007 5 08 /06 /juin /2007 19:40
             
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7 juin 2007 4 07 /06 /juin /2007 22:35
     












Les photos exposées aux mois de mai et juin 2007 à la galerie 51 sont réunies sous un nom qui leur va à ravir... "My Favorites" est, en effet, notre vernissage coup de coeur de ce printemps.

Réunissant les photographes Bruno Bisang, Jeff Cowen, Louis Jammes, Isabel Muñoz, Ivan Pinkava, Nicolas Ruel, Antoine Schneck et Christine Spengler autour d’une sélection d’œuvres consacrant leurs icones, l'expo regroupe des clichés éclectiques qui valent le détour.

Odalisques, portraits, prise de vue en studio ou à l’extérieur, petits et grands formats, mannequins ou photos de guerre, stars du Pop art ou merveilleuses inconnues... les photos choisies sont le fruit d'artistes fort différents, tant par les sujets qu'ils abordent que par leurs techniques ou leurs vécus.

Pourquoi pas...

Antoine Schneck révèle traits et rides des visages des populations du Burkina Faso où, installés sur un fond noir mat, ils s’extraient de leur cadre pour se matérialiser comme des masques de cire. Les clichés nous laissent un goût de déjà vu mais l'esthétique est irréprochable.

Ivan Pinkava fait souffrir le spectateur: ses personnages sont tout droit sortis de l’univers sombre d’un drame qui s’est joué en notre absence. Un enfer ?  Rappelant les corps réduits à néant de Nuremberg, les clichés de Pinkava sont d'une froideur difficile. Si les corps donnés à voir sont dérangeants, ce sont les visages de ses personnages qui sont les plus déconcertants. Tandis qu'un crâne rasé rappelle les crimes commis contre l'humanité, un regard vide nous dévisage et... nous détournons le regard.

Nicolas Ruel isole son modèle silencieux et méditatif au milieu du bruit et du passage du métro de Moscou. Monde de contrastes où la douceur de ses personnages s’oppose à la froideur du support métallique qu’il a choisi pour laisser l’empreinte d’un récit. Ce n'est pas tant le sujet qui nous a plu ici, mais plutôt la technique: ces grands tirages sur plaque en inox ont quelque chose de terriblement séduisant.



"My Favorites"...

On a aimé les clichés de Bruno Bisang, ses photographies de femmes célèbres et anonymes qui, à la manière d'un Peter Lindbergh, révèlent une sensualité naturelle, sans voyeurisme et sans gêne. On a aimé le grain, celui des peaux, celui des photos. On a aimé ce regard, amoureux d'une féminité qui se donne à découvrir et à voir, sans provocation, simplement.
© Bruno Bisang - © Jeff Cowen

On a aimé Jeff Cowen, sa Havane romantique où, au milieu de la misère, s’élève la femme cubaine idolâtrée: sensuelle, naturelle... belle ! Mais on a préféré les grands formats noirs et blancs de Louis Jammes: la frêle douceur d'Andy Warhol, la profondeur de son regard, la timidité de son corps. Avec quoi on serait repartis, si on avait eu 4800 euros à dépenser ce soir là ? Avec les grands yeux de Jean-Michel Basquiat, sur le portrait duquel Jammes a inscrit, en majuscules, tel un tag qui serait de trop, le mot "ETYMOLOGY". Un nu masculin inédit de Basquiat est également exposé, fort différent, mais aussi intense.

© Louis Jammes

Grand coup de foudre pour les photos d'Isabel Muñoz, qui dépeint avec lyrisme l'univers de la danse: le contact, la pureté, l'esthétique naturelle des costumes et la grâce innée et travaillée d'une danseuse...
 
© Isabel Muñoz - Cuba, 2001
My Favorite ?

La cerise du coup de coeur s'appelle Christine Spengler: loin des oeuvres très "bolywoodiennes" qu'elle expose actuellement à la galerie Vivienne, elle a regroupé rue de Seine une série de clichés de guerre hors du commun. Beaucoup de ses photos ont illustré des unes de magazines, et pourtant on regrette de ne pas voir plus souvent ce genre de regards sur les conflits armés.

Christine Spengler est l'une des rares femmes correspondantes de guerre.  "L'espoir au millieu du chaos", c'est l'enfance qui reste l'enfance, malgré le deuil. C'est l'insouciance qui existe encore, dans le drame.

Des mitraillettes, des morts, du noir et blanc, oui. Mais pas de clichés volés, et, surtout, pas de désespoir. Pas de corps ensanglantés, pas de voyeurisme, pas de misérabilisme. Des regards francs et droits, des enfants qui ont vu l'horreur, peut-être tous les jours, mais qui gardent, au fond de leurs yeux, une lueur d'espoir. Un fils qui a perdu son père, des enfants qui nagent au milieu des obus... On pourrait y voir quelque chose de spectaculaire. On y voit l'ironie de l'enfance, légèreté non choisie, au milieu et malgré l'horreur mais légèreté quand même. Enfance. Enfants. La vie est là, qui continue et qui joue, qui regarde, gravement ou en souriant, mais qui est. Qui est encore. Le regard de Christine Spengler est indescriptible. Oui, ses clichés sont des témoins d'une réalité insoutenable mais, au-delà du réel, son objectif se focalise sur des éclats de rires et des sourires, des regards d'une profondeur... enfantine. Bêtement, mais peut-être fort justement, on a envie de dire: on sent que c'est une femme qui regarde la guerre. Une femme, et une femme extérieure au conflit. Madame Spengler donne une autre allure aux photos de guerre, une autre odeur, une autre... vue, rare et incontournable.

A noter absolument...

Exposition photographique collective « MY FAVORITE »
Du 11 mai au 16 juin 2007
Galerie Seine 51
51, rue de Seine Paris VIe
Métro Saint Germain / Odéon / Mabillon

www.seine51.com

Soirées spéciales...

Christine Spengler dédicace ses ouvrages, "Une Femme dans la guerre", "Années de guerre" et "Vierges et toreros" le samedi 12 juin 2007 de 15h30 à 19h.

Photos du haut de l'article, de gauche à droite: Isabelle Munoz, Bruno Bisang, Christine Spengler

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