Alice est une jeune styliste, elle travaille dur, elle a soif de succès et d’amour. Tout semble lui réussir : alors pourquoi ce soir, en rentrant chez elle, est-elle aussi déprimée qu'enivrée ? Quelques mannequins, un canapé, un piano : Alice et son mystérieux pianiste nous entraînent dans une histoire d'amour mouvementée... qui se réclame de Baudelaire et qui flirte amèrement avec les pâquerettes.
Histoire d'une pièce...
Au départ, "Alice" a été envisagé comme une création à la croisée des arts. Cathy Martin a voulu évoquer sur scène une vie d'aujourd'hui, sans jouer la carte du one-woman-show et en laissant une place à la musique et même à la danse. Elle décide alors de confier à un homme, Sylvain Moreau, l'écriture de ce monologue. Il en résultera un texte de langue parlée dans lequel s'intercalent trois extraits d'auteurs qui soulignent sans le dire les trois émotions qui sous-tendent le personnage d'Alice : désir et fantasme (Baudelaire), colère et folie (Jean Cocteau), résignation et espérance (Thomas Fersen).
Trentenaire travailleuse, Alice est styliste et passionnée par son métier. Mais elle est aussi un personnage volatile, passant du rire aux larmes, elle est à la fois séduisante et dérangeante, provocatrice et fine... Un peu tête en l'air, plongée dans son monde, certainement naïve, elle peut porter un regard amusé sur elle-même et le monde qui l'entoure.
Le pianiste, c'est la voix masculine d'Alice. A travers des reprises et des compositions, il est créateur d'ambiance et, à travers la musique, il permet à l'héroïne de transmettre une émotion sans le soutien des mots. Dans le corps du texte, le pianiste intervient régulièrement. Il assure un rôle proche des choeurs, introduisant ou commentant les situations; il porte un regard observateur et bienveillant sur le personnage principal mais il est avant tout un personnage énigmatique : "après la représentation, chacun donne son point de vue sur "qui est le pianiste" : nous aimons ce mystère !", confie la troupe.
Montée par la jeune compagnie professionnelle "La Gargouille", cette pièce de théâtre sur fond musical flirte avec le "one woman show" et ose des incursions dans la comédie musicale.
Notre avis...
"Alice" est dans l'air du temps, évidemment. Elle a les emmerdes des personnages de "Sex & the city", les problèmes de toutes les célibataires, les pensées de toutes celles qui sont malheureuses en couple, les préoccupations de toutes celles qui sont tombées sur des cons.
Le projet est ambitieux. Un monologue de femme écrit par un homme... il fallait s'y frotter. La maniaco-dépressive de 30 ans, drôle et touchante... il fallait oser. On avait déjà Bridget Jones ! Est-ce qu'il fallait faire entrer une Bridget de province au théâtre ? Pourquoi pas, mais il aurait fallu, selon nous, choisir un créneau. Entre one-man show, duo et monologue, le personnage a du mal à trouver sa place, et le spectateur peut être coupé dans son élan.
Sur le thème, on a préféré les héroïnes de Lauren Weisberger, les folles qu'on rencontre chez Beigbeder ou carrément les lamentations des "Desperate housewives". "La tentation de Jessica" dépeignait avec brio le célibat énigmatique d'une nana d'enfer exaspérée par des types tous plus nuls les uns que les autres. Au cinéma encore, les réussites amères et solitaires du remake de "Thomas Crown" avaient su nous séduire. Sur les planches, on a préféré Pénélope, évidemment, les "Rencontres" de Constance Fichet, sans parler des "Monologues du vagin" ou encore de Célarié qui jouait les célibataires cools avec ses copines il y a déjà dix ans ! Alice est bien caricaturale à côté de toutes les Bridget que nous avons pu rencontrer, et elles sont nombreuses, dans la littérature, au cinéma et au théâtre. Du grotesque, pourquoi pas; des clichés, pourquoi pas, mais il aurait fallu plus de finesse pour que l'émotion soit là.
On salue la prestation des comédiens, qui se débattent avec brio dans cet imbroglio qui s'essouffle. La caricature est telle qu'il est difficile d'accuser l'interprétation: le personnage est vide, n'importe quelle comédienne aurait du mal à le faire vivre. Alors Alice survit, le temps d'une danse ou d'un simili de sketch, et nous aussi.
Le pianiste, allias l'homme invisible, esprit ange gardien qui veille sur cette âme en peine, est une présence de trop pour un "patchwork" raté. Devinant invariablement la prochaine phrase de l'héroïne, il casse le rythme avec des répétitions lancinantes qui lassent vite le spectateur. Et quand il se prend soudain pour Julien Leperse, on a du mal à partager le délire.
Alice manque de profondeur. La profondeur de l'autodérision, la profondeur qui la rendrait touchante, la profondeur... du vécu peut-être ? Le personnage n'existe pas, il n'est pas assez intelligent pour être véritablement schizophrène, trop caricatural pour être drôle, pas assez fin pour appeler notre compassion. Il paraît que tout lui réussit: ça ne se voit pas. Il paraît qu'elle est styliste; ça ne se voit pas. Elle attend un homme qui n'arrive pas, on attend un embarquement qui n'a pas lieu. On tourne en rond avec elle, le serpent se mord la queue, et le clou est de se réclamer de Baudelaire, Cocteau et Fersen. Bref, au final, moi aussi, je l'aurais plaquée Alice.
Du coup de mauvaises pensées nous traversent l'esprit... est-ce que l'auteur prend les filles pour des connes ? Et puis... c'est pas lui qui s'est fait plaquer par hasard ?
A noter ?
Texte de Sylvain Moreau
Mise en scène Mélanie Allart
Avec Cathy Martin et Djahîz Gil
Les 15,16,17 et 22, 23, 24 mars
Théâtre de l’Espace Château-Landon
31, rue du Château Landon
75010 Paris
M° Stalingrad / Château-Landon
Infos & Résas : 01 46 07 85 77
Le 17 février 2008
Du 15 novembre au 16 décembre (20 représentations)
Jeudi, Vendredi à 19h00 - Samedi 20h45 - Dimanche 15h30
Théâtre Aire Falguière
55 rue de la Procession 75015 Paris
M° Plaisance/Volontaires
Infos & Réservations : 01.56.58.02.32 ou 01.40.43.92.73
Réseaux FNAC, TheatreOnLine, Billetreduc etc
Places 15€ / 10€ / 7.5€
www.airefalguiere.com
www.cielagargouille.free.fr
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