Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

CULTURE & CIE

lire      écouter  voir  sortir   personnalités           films      expos  musique    news art    romans    concerts     ...

Rechercher

CULTURE CIE & VOUS

PARTENAIRES

21 février 2008 4 21 /02 /février /2008 20:07
emmanuel-berry---autoportrait---culturecie.com.jpgemmanuel-berry---les-oiseaux-de-sens---culturecie.com---expo-photo-4.jpgEn découvrant les mystérieux « Oiseaux de Sens » d’Emmanuel Berry, plus qu’ailleurs, nous avons eu l’envie et le besoin de parler au photographe : pourquoi photographier des oiseaux empaillés, d’où viennent ces regards humains de fantômes d’un autre siècle, et que fait la photographie, quand elle transforme l’animal momifié en portrait vivant ? Entretien avec un photographe d’anti-hasards qui, à la manière de Duras et de Descartes, réveille le doute mais… en photographie.


Comment vous est venue cette idée de photographier des oiseaux naturalisés ?

Ma démarche n’a pas été guidée par un travail sur des oiseaux à proprement parler : j’avais connaissance de cette collection cachée du musée de Sens, et j’ai demandé à la voir. La salle réunit 250 oiseaux naturalisés au XIXème siècle, et la collection n’avait pas été vue depuis plus de trente ans. En la visitant, j’ai eu l’impression que ces oiseaux me regardaient : je me suis senti observé. C’est alors que l’idée du portrait s’est imposée.

Le regard des oiseaux est en effet troublant : on y voit de la mélancolie, quelque chose de très humain, de très expressif. Certains regards sont effrayants, d’autres appellent la compassion, pourtant les oiseaux empaillés sont munis de perles à la place des yeux…

emmanuel-berry---les-oiseaux-de-sens---culturecie.com.jpg Oui, en effet leurs yeux sont en pâtes de verre et pourtant, dans la réalité comme dans mes portraits, on a cette impression qu’ils nous regardent. Cette série est un travail axé sur le regard, qui découle de cette expérience étrange : être entouré de 250 oiseaux, qui n’ont pas bougé depuis le XIXème siècle, qui sont morts et qui ont l’air vivants… il y avait quelque chose d’angoissant dans cette salle, et à la fois quelque chose de très humain, une sorte de miroir que j’ai trouvé fascinant. J’ai donc eu envie de faire revivre cette collection et ces oiseaux, en les photographiant, et en interrogeant la photographie en tant que document et technique capable de restituer cela.

Vous dites que ces oiseaux nous renvoient quelque chose « qu’il reste de nous-mêmes ». S’agit-il de la mélancolie, d’un rapport à la mort aussi, doublement représenté par les oiseaux et par la naturalisation ?

Il s’agit des deux : la visite de cette collection réveille en effet un rapport à la mort, et la thématique est évidemment très présente dans ce travail, dans lequel il y a aussi un soupçon de mélancolie. L’oiseau est en effet un symbole reliant le ciel à la terre ; empaillé, il est définitivement sur le sol… il y aurait beaucoup à en dire. En découvrant cette collection, j’ai eu l’impression d’être dans un miroir qui ébranle nos certitudes et qui nous fait passer au doute : est-ce que c’est moi qui les regarde ou est-ce que c’est eux qui me regardent ? On est là, dans nos vies, avec nos certitudes, et soudain ce doute fait apparaître quelque chose d’angoissant, quelque chose d’humain aussi. On se sent épié, c’est fou, et finalement en regardant ces oiseaux, j’ai eu l’impression qu’ils nous renvoyaient en miroir quelque chose de nous-mêmes : on se regarde nous-mêmes, en eux, comme à travers un miroir.
 
emmanuel-berry---les-oiseaux-de-sens---culturecie.com-1.jpgCe que j’ai trouvé troublant, c’est une sorte de mise en question de ce qui distingue l’animalité et l’humanité : la mélancolie est considérée comme quelque chose de proprement humain, et pourtant c’est une brutalité presque animale, et cette tension est très présente dans cette série…

Oui, c’est aussi de ce doute dont il s’agit. Quand je réalisais les tirages, je donnais des prénoms à ces oiseaux. Je les vois comme de véritables personnages, très humains en effet, et sous-tendus par une mélancolie qui serait un fil tendu dans mon travail. Ce sont des oiseaux fantômes, et devant leurs regards, je me suis demandé tout ce qu’ils avaient vu dans le ciel, tout ce qu’ils nous rapportent de vivant et d’ailleurs. Ce sont des objets d’histoire fascinants : ils ont été naturalisés en 1850, ils portent en eux une histoire…

Comment travaillez-vous ?

En argentique. Le procédé est long, je suis d’une grande lenteur dans la réalisation de mes images. Je fais tout moi-même, du développement des négatifs dont les prises de vues sont le plus souvent réalisées à la chambre, jusqu’au travail de tirage en noir et blanc. J'essaie, à chaque étape, d'être le plus précis possible. Je fais la chimie moi-même, c’est un travail très technique, et je prends beaucoup de temps à réaliser les tirages.


L’exposition va-t-elle encore continuer à voyager ?

« Les Oiseaux de Sens » ont beaucoup circulé, dans des expositions collectives et des expositions personnelles. La série sera à Berlin pour deux mois en avril prochain, mais l’essentiel de mes expositions à venir concernent d’autres travaux, plus récents.

Lesquels ?

L’une de mes séries, sur les coquillages, sera présentée à Bruxelles. Une autre, consacrée aux alentours d’Auschwitz, sera exposée trois mois lors de la biennale de la photographie de Lyon en septembre prochain, au Centre National de la Résistance et de la Déportation.

emmanuel-berry---Alentours---culturecie.com.jpgVous restez dans la mélancolie…

Paradoxalement le travail que j’ai effectué en Pologne pendant près d’un an n’est pas si mélancolique que ça. Ce sont des petits tableaux intimes, des paysages calmes et sereins qui n’ont pas pour ambition de parler du pathos des camps, mais de faire prendre le dessus à la nature. Mais il est vrai que la mélancolie est comme un fil qui se tient dans mon travail, il y a une réflexion sur l’absence en même temps que sur le rôle de la photographie.

De quel rôle s’agit-il pour vous ? Il semblerait que vous aimiez jouer avec les frontières : celles de la vie et la mort, de la nature et de la culture, de la gaieté et de la tristesse… On retrouve une certaine ambiguïté dans vos différentes séries : ces oiseaux sont à la fois des fantômes et des vivants, vos photos d’asile sont très colorées, et là vous fixez votre objectif sur la nature des alentours des camps…

asile---int-rieur-rose---emmanuel-berry.jpg C’est vrai qu’il y a toujours un jeu avec les paradoxes, un jeu avec nos perceptions. Le travail sur l’hôpital psychiatrique d'Auxerre, dont l'architecture avait d'ailleurs servi de modèle à Sainte Anne, sera exposé en septembre prochain.
Actuellement, mes photographies interrogent la mémoire… et l'absence. Il y a une réduction du temps avec la photographie, et je crois qu’on vole toujours quelque chose : c’est un concentré du temps sur une seule image. Ce qui m’intéresse, c’est de questionner ce pouvoir là, cette concentration. La photographie contemporaine, celle d’aujourd’hui, est très axée sur le documentaire, et je crois que je m’inscris dans cette époque qui interroge le pouvoir de mémoire de la photographie.


Propos recueillis par Axelle Emden le 20 février 2008

A noter…

Emmanuel Berry
"Les oiseaux de Sens"

emmanuel-berry---les-oiseaux-de-sens---culturecie.com-2.jpg Du 14 février au 30 mars 2008

Photo 4
4, rue Bonaparte - 75006 Paris
Ouvert du mardi au samedi de 14h30 à 19h et sur rendez-vous.
01 43 54 23 03

Sur le web…

www.emmanuelberry.com
www.photo4.fr
www.image-ouverte.com


Emmanuel Berry sur CultureCie...

Sa biographie

La critique de l'exposition "Les Oiseaux de Sens"

Interviews, portraits, expositions & cie sur CultureCie...

undefinedundefinedundefinedundefined


Partager cet article
Repost0

commentaires